À l'intersection entre deux routes, le pub The Perseverance dénote par ces ribambelles de drapeaux colorés. Devant, un homme déballe des chaises en bois qu'il vient de sortir d'un camion.
Le bar est vide et plutôt sombre, malgré les nombreuses fenêtres qui ne semblent pas éclairer la pièce. Sur les murs, des photographies de match de football rappellent l'époque 1980 en Irlande. Au milieu de cet endroit surchargé, ce bazar organisé, Noel et Eva font les comptes de la journée. 
Le couple anglo-irlandais a fondé The Perseverance en 1997. Il y a 25 ans déjà, ils réalisaient leur rêve d’ouvrir un pub traditionnel anglais à Broadway Market, à l’est de Londres. L’endroit se fondait naturellement avec le paysage, cette ruelle en développement où les commerces et les restaurants commençaient peu à peu à ouvrir leurs portes et attirer les clients locaux.
Mais moins de 5 ans après l’ouverture du pub, Noel et Eva font face à un changement dans le quartier. Les commerces locaux sont remplacés les uns après les autres par des boutiques indépendantes et des restaurants aux devantures en vogue.
“Les locaux sont morts il y a 20 ans. Ici, il ne reste plus que des hipsters maintenant,” raconte Noel.
“Ici” désigne l’autre côté du pont, la petite rue touristique du Broadway Market. Les rues sont remplies de jeunes en vélos, portant des fleurs et entrant dans les librairies indépendantes. Chacun semble en compétition avec un autre : qui aura la tenue la plus cool et faussement décontractée ? Le quartier attire un public jeune et aisé qui ne traverse pas le Regent’s Canal pour boire un verre à The Perseverance.

Pour autant, Noel et Eva font de leur mieux pour toucher ce public qui est devenu les nouveaux locaux. A la carte, ils ont ajouté il y a quelques années un plus grand choix de bières pression, locales ou à la mode. Leurs murs ont été habillés de 7 télévisions qu’ils allument les soirs de match.

“Les matchs de football et de rugby nous permettent de survivre. On les diffuse dès que possible. Ce sont de très belles soirées car il attire tous les publics. Les jeunes se mélangent avec les plus vieux, les touristes avec les locaux,” raconte Eva en riant, “Cela fait beaucoup de bruit mais qu’est-ce que l’on aime voir notre pub vivre après toutes ces années.”
Les soirs de fête, les clients mettent des pièces dans le jukebox des années 50. “Comme à l’époque,” pour Noel, ce sont les vestiges de leur enfance. Ils font partie du décor et de l’esprit du pub.
Une inscription sur le mur montre leur engagement : “Think! It’s not illegal yet”. Pour eux, cette citation n’a jamais été aussi vraie. Par tous les moyens, ils tentent de survivre au covid, au Brexit et au temps qui passe. L’homme qui déballait les chaises à l’extérieur les emmènent une à une dans le pub.
“Nous devons nous adapter constamment. Aujourd’hui ce sont de nouvelles chaises, hier de nouvelles tables. Nous avons repeint les murs et la devanture pour donner un coup de neuf. Il faut que l’on survive au mieux. Finalement, c’est ça la persévérance," explique Noel.
Du haut de leurs 70 ans, Noel et Eva aspirent à de belles années à venir même si l’avenir de The Perseverance reste incertain. Au fil des années, le pub a fini par se faire une véritable place dans le paysage du Broadway Market, créant un lien entre l’ancien temps et le nouveau.
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